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Tabac et chirurgie orthopédique : mieux comprendre les risques

le 04/11/2020

Risques respiratoires

Le tabagisme entraîne un risque plus important de complications respiratoires au décours d'actes effectués sous anesthésie générale. En effet le tabagisme entraîne une altération de la mécanique pulmonaire, des échanges gazeux et des défenses immunitaires. La survenue de ces complications pulmonaires varie de 10 à 55% chez le fumeur (contre 5 à 25% chez le non-fumeur). Les complications pulmonaires peuvent être mineures (encombrement bronchique, infections des voies aériennes...) : celles-ci se produisent dans 22% des cas chez les fumeurs, alors qu'elles ne surviennent que chez 5% des non- fumeurs et chez 13% des ex-fumeurs. Les fumeurs ont aussi plus de risques de complications opératoires majeures: pneumopathie, détresse respiratoire aigüe, décès.

 

Risques cardiovasculaires

Fumer augmente également le risque de  complications  cardiovasculaires (infarctus, AVC, ischémie des membres inférieurs). La consommation aiguë de tabac augmente la fraction de monoxyde de carbone, ce qui réduit la capacité de transport de l'oxygène par le sang aux différents tissus, dont le cœur. Chez les personnes avec une pathologie coronarienne, la consommation de tabac augmente le risque d'ischémie myocardique (survenue d'épisodes d'ischémie péri-opératoire dans 40 à 50% des cas, selon le type de chirurgie). Chez les personnes n'ayant pas de pathologie coronarienne connue,  la consommation aiguë de tabac augmente l'incidence des épisodes de sous-décalage du segment ST (signe électrocardiographique précoce d'infarctus du myocarde postérieur). Le tabagisme majorerait par ailleurs le risque thromboembolique (phlébite et embolie pulmonaire) post-opératoire.

 

Infection

Le tabagisme augmente le risque de complications infectieuses, car fumer altère la cicatrisation des tissus et des plaies chirurgicales. Ce sont les effets de la nicotine et du monoxyde de carbone qui expliquent ces effets: la nicotine entraîne une vasoconstriction des tissus et réduit l'affluence d'oxygène. Elle agit aussi sur la qualité de la cicatrisation par la diminution de production du collagène.  Le monoxyde de carbone entraîne une diminution de l'oxygénation des tissus et une mauvaise microcirculation sanguine. Une étude évaluant plus de 200 cicatrices a montré un taux d'infection des plaies de 12% chez les fumeurs contre 2% chez les non-fumeurs.

 

Complications chirurgicales

De nombreuses études montrent que le tabagisme augmente le risque de complications chirurgicales: complications de cicatrisation (lâchage des sutures), risque de retard de consolidation osseuse. Il a été montré qu'en chirurgie orthopédique, le risque de complications de la cicatrisation est de 5% chez les non-fumeurs et de 31% chez les fumeurs. Le tabac apparaît comme le facteur de risque numéro 1 de complications du site opératoire (hématome, infection, collection) après chirurgie prothétique de la hanche et du genou.

Ces complications postopératoires augmentent la durée d'hospitalisation des fumeurs. Trois études ont montré que le tabagisme augmentait la durée moyenne du séjour hospitalier en chirurgie jusqu’à deux jours supplémentaires pour une chirurgie lourde. En outre, le tabagisme doublerait le risque de transfert non programmé en unité de réanimation.

 

Consolidation

Le tabagisme retarde aussi la consolidation osseuse. Le risque de complications chirurgicales s'explique de la même façon que le risque infectieux. La diminution de la microcirculation cutanée et l'hypoxie dues au tabagisme sont les causes principales de l'effet néfaste du tabagisme sur la cicatrisation cutanée et celle des tissus profonds comme l’os.  Une étude a ainsi montré sur 183 fractures de jambes non compliquées, que la durée moyenne de consolidation était de 269 jours pour les fumeurs contre 136 jours chez les non-fumeurs. Une autre étude a révélé qu'en cas de fracture ouverte de jambe, la consolidation survient en 32 semaines chez les fumeurs contre 28 semaines chez les non-fumeurs avec des opérations secondaires d'aide à la consolidation (greffe notamment) plus fréquentes chez les fumeurs.

 

Sevrage tabagique

Le sevrage tabagique préopératoire permet de faire baisser les risques de complications associées à la chirurgie.   Un arrêt du tabagisme 6 à 8 semaines avant une intervention et poursuivi durant toute la phase de cicatrisation est l'idéal. Cependant, un sevrage tabagique même plus court a aussi des effets bénéfiques et diminue certains risques mais pas tous. En effet, les délais de survenue des bénéfices de l'arrêt ne sont pas les mêmes selon le type de complications.  Pour que l'arrêt du tabac ait un bénéfice sur le risque de complications respiratoires, il doit avoir lieu 6 à 8 semaines avant l'intervention. En effet, le sevrage tabagique entraîne une augmentation de la toux et de l'encombrement bronchique durant les 10 à 14 jours qui suivent l'arrêt. Un arrêt du tabac plus tardif est cependant bénéfique car il entraîne une diminution du taux de CO (monoxyde de carbone) et donc de carboxyhémoglobine (HbCO), ce qui améliore l'oxygénation tissulaire. Un arrêt du tabac même à 12 à 48h avant une intervention permet une baisse du CO circulant et une meilleure oxygénation.

En ce qui concerne les complications chirurgicales, des bénéfices apparaissent avec un sevrage même tardif avant l'intervention, mais un sevrage plus précoce entraîne une forte diminution du risque de complications du site opératoire. Une étude chez des patients subissant une arthroplastie de hanche ou du genou a montré qu'un sevrage tabagique 6 à 8 semaines avant l'intervention réduisait de façon significative le taux de complications post-opératoires (18% dans le groupe avec intervention contre 52% dans le groupe contrôle de cette étude) et que l'effet le plus significatif portait sur les complications liées aux plaies opératoires (5% dans le groupe non-fumeurs contre 31% dans le groupe des fumeurs) et sur la nécessité d'une ré-intervention (4% versus 15%).

De façon générale, un sevrage tabagique 6 à 8 semaines avant une intervention permet de réduire la durée moyenne du séjour d'hospitalisation après une chirurgie et le risque de passage en unité de réanimation après une intervention. Enfin, il apparaît qu'un sevrage 6 à 8 semaines avant une intervention permet de revenir à un besoin en analgésiques lors d'une anesthésie identique à celui d'un non-fumeur (le tabac accélère en effet la biotransformation hépatique des agents anesthésiques, ce qui entraîne un besoin en agents analgésiques supérieur chez le fumeur qui doit être anesthésié).  Il y a peu d'interférences reconnues entre les substituts nicotiniques et les agents anesthésiques.

 

Planifier une chirurgie : le bon moment pour le sevrage tabagique

Une intervention chirurgicale prévue semble être un bon moment pour les médecins pour parler de sevrage tabagique. Pour aider les patients fumeurs à se sevrer avant une intervention, le conseil des praticiens est important. Les taux de sevrage sont augmentés si un praticien conseille à son patient d'arrêter de fumer. Même une conversation de moins de 3 minutes peut suffire à augmenter le taux d'abstinence. Des interventions plus intensives (conseils de groupes ou individuels, conseil par téléphone) donnent des résultats plus importants. Les résultats d'une étude indiquent qu'un programme d'aide au sevrage préopératoire peut augmenter les taux de sevrage avant l'opération et jusqu'à 12 mois après l'opération. C'est  notamment le cas avec les programmes d'aide intensifs avec conseils individuels et thérapies de remplacement nicotinique administrées 1 à 2 mois avant l'opération qui augmentent le sevrage tabagique à court et long terme. Les substituts nicotiniques sont sans effet néfaste sur la cicatrisation. Le  Bupropion semble également pouvoir aider au sevrage tabagique en période péri-opératoire.

 

Quelques trucs pour arreter de fumer

  • pour limiter la prise de poids (3-4 kg en moyenne) : manger mieux, faire de l’exercice physique, prendre des substituts nicotiniques, voir un diététicien
  • se sentir soutenu dans son sevrage : informer ses proches, demander à votre entourage de ne pas fumer en votre présence
  • pour ne pas céder au désir brutal (3-4 min) de fumer, faire diversion : boire un grand verre d’eau, manger un fruit, respirer profondément, se brosser les dents, changer d’activité/de pièce/s’occuper l’esprit, appeler un ami, prendre un substitut nicotinique ponctuel (gomme)
  • s’organiser quelques séances de relaxation, de yoga, ou même un soutien psychologique 
  • partager votre expérience avec d’autres personnes en cours de sevrage